jeudi 17 septembre 2009

Energie : taxes pour les habitants, profits pour les industriels privés


photo source Le Progrès

Sous prétexte de développement durable, le groupe Solvay, qui possède en France les usines de Tavaux (Jura) et de Dombasle (Meurthe et Moselle), va mettre en oeuvre des choix énergétiques sans se poser la question des intérêts des populations. Le projet de centrale biomasse de Solvay dont Dalkia (groupe Véolia) est le maître d’oeuvre est certainement “un beau coup économique” pour ce dernier qui va pouvoir vendre son électricité à EDF et la vapeur à Solvay. De son côté, le groupe chimique spéculera sur le marché international des droits à polluer grâce aux économies d’émission de C02, tout en étant exonéré de taxe carbone. Tans pis si la consommation de ses 350 000 tonnes par an de bois et de résidus -dont une grande partie acheminée par camions- vont destabiliser la filière bois régionale de Franche-Comté et de Bourgogne. Les habitants auraient pu bénéficier du développement de chaufferies utilisant du bois et des résidus pour leurs immeubles ou leur quartier avec des réseaux de chaleur. Face à la pénurie de ressource locale, ils pourront juste continuer de polluer en se réjouissant de payer la taxe carbone !

Mais Solvay ne s’arrête pas là, le groupe chimique international a annoncé son intention de participer au financement de la construction d’un réacteur nucléaire à Flammanville (Manche) afin de pouvoir bénéficier en contrepartie “d’un droit de tirage” pendant 30 ans pour leur fourniture d’électricité par EDF. Là encore, ce sont les populations qui vont subir les risques pendant que la collectivité gérera les déchets nucléaires et que Solvay encaissera les bénéfices.

L’énergie est un bien collectif. Nous refusons de la voir rentrer dans la logique du profit.

jeudi 3 septembre 2009

La taxe carbone : l’imposture écologique



Par Charles Hoareau

Syndicaliste, membre de Rouges Vifs 13

Première partie du texte publié mercredi 2 septembre 2009


Avec sa taxe carbone le gouvernement et ceux qui soutiennent la mesure donnent un nouvel exemple de mauvaise réponse à une vraie question. Qui a envie de vivre dans un monde pollué ? Ni vous ni moi ! Alors qui sont-ils ces gens que l’on va taxer ?

TOTAL ? qui en vendant du pétrole a fait des profits d’un montant supérieur au déficit de la France ?

ARCELOR MITTAL qui dispose pour ses 6 usines françaises d’un droit annuel à émettre gratuitement 8 millions de tonnes de carbone ?

Celles et ceux qui vendent sur le marché (et oui !!) le droit à polluer au prix de 14€ la tonne ? [1]


Vous n’y êtes pas du tout ! Tous ceux là seront exemptés de cette fameuse taxe et on peut observer au passage qu’une telle exonération – à 32€ la tonne le prix prévu [2] – représente pour ARCELOR déjà cité une économie de... 250 millions d’euros dès la 1ère année !


Non ceux qui devront payer la taxe c’est vous et moi ! Et pourquoi ? Parce qu’il y a des experts mandatés par des politiques qui ont conclu que plus nous paierons, moins nous gaspillerons d’essence, car vous ne le saviez pas, mais c’est démontré par des spécialistes : nous gaspillons l’essence et le chauffage par plaisir d’émettre du carbone... Et sans respect pour la planète bien sûr : foi de Yann Arthus Bertrand qui ne se déplace qu’en hélicoptère !


Pour ou contre les taxes ?

Personne ne conteste qu’il faut réduire les émissions de gaz la question qui reste c’est comment s’y prendre dans l’intérêt des peuples ? Faut-il le redire ici ? C’est d’abord le principe même d’une taxe qui est à remettre en cause. Dans un pays où les impôts indirects – les plus injustes car frappant indistinctement les riches et les pauvres – représentent plus de 60% des recettes de l’État comment accepter une nouvelle taxe quelle qu’elle soit ? En plus concernant cette taxe-ci le gouvernement a clairement annoncé la couleur : « Plus nous taxerons la pollution et plus nous pourrons alléger les charges qui pèsent sur le travail » [3]. Autrement dit, au nom de l’écologie on voudrait une fois de plus baisser les cotisations nécessaires à une vraie sécurité sociale déjà bien mal en point. Comme si cette question de la protection sociale était une question secondaire, en tout cas seconde par rapport à la compétitivité des entreprises qui seraient contraintes de délocaliser à cause des charges énormes qu’elles supporteraient. Mais comme le dit Yves Dimicoli dans l’Humanité : « On ne sait pas assez l’inanité d’une telle argumentation : entre 1991 et 2008, le total cumulé des exonérations de cotisations sociales patronales a atteint 260,6 milliards d’euros, dont 221 milliards compensés par l’État. Or le déficit commercial de la France ne cesse de se creuser (il a atteint 55,65 milliards d’euros en 2008) tandis que les exportations de capitaux s’emballent : en 2008, il sera sorti en net quelque 160 milliards d’euros au titre des investissements directs à l’étranger qui ont généré des délocalisations et, donc, des transports accrus et des pollutions au Sud hors normes environnementales du Nord. »


Tant qu’il y aura des riches

De plus qui peut nous faire croire que cette mesure peut être efficace ? Les produits de luxe, bateaux, parfums et autres automobiles de fortes cylindrées sont déjà taxés : cela empêche-t-il les riches de les acquérir ? Dans un pays et un monde où la part des salaires dans la richesse créée est au plus bas [4] ce qui est posé c’est la répartition des richesses et non la mise en œuvre de mesures qui ne sont que des peccadilles pour les plus fortunés et de lourdes charges pour les autres.


Sans rire le journal Challenges parle des français qui « changeront leur 4X4 pour une citadine, prendront le train au lieu de l’avion, éviteront de faire tourner le sèche linge » Mais de quels français parle-t-il ? Des 5% plus riches qui détiennent 80% des richesses de ce pays... ou des 30% plus pauvres qui en ont à peine 1% ?


Il y avait déjà, pour les plus riches – et en particulier les grandes entreprises – la possibilité d’acheter et même de spéculer sur le droit à polluer, mais, avec la taxe carbone, il y a pire. Il y a la pénalisation de celles et ceux qui n’ont pas le choix. Passons sur les exemples justement cités par les adversaires de ce nouvel impôt à la consommation (les ruraux [5], les mal desservis en transports urbains…) [6] et prenons un exemple. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), en région parisienne, les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre sont liés aux logements. Or un bâtiment neuf consomme quatre fois moins d’énergie qu’un immeuble construit avant 1975. Dans leur logique on va donc taxer 4 fois plus celui qui a déjà la malchance d’habiter un logement où il est obligé de dépenser 4 fois plus pour se chauffer !!! Et remarquez bien on ne taxe pas le bailleur (et encore moins on ne l’oblige) alors qu’il est le seul à pouvoir faire les travaux d’isolation et donc baisser les émissions, mais le locataire qui sera ainsi deux fois victime ! Quand on connait toutes les batailles que sont obligés de mener les locataires pour obtenir des améliorations dans ce domaine on se demande dans quel monde vit Mr. Rocard quand il déclare : « il est largement prévu de compenser la taxe, mais en terme de pouvoir d’achat, de manière à garder intact le signal prix, l’incitation aux gens à se déplacer moins, à avoir petit à petit des voitures électriques, à mettre des doubles vitres ou à faire des économies sur le chauffage ».


Faire passer la pilule

En l’état du projet, plus de la moitié des ménages aurait à supporter un surcoût de 300 euros, les autres ayant droit à une compensation « forfaitaire et partielle ». En réalité la facture sera bien plus lourde. En effet si le prix de l’énergie augmente, les prix des biens et des services augmenteront proportionnellement... et cela ne sera jamais compensé par le fameux chèque vert.


Car pour faire passer la pilule le gouvernement parle d’une redistribution qui pourrait atteindre 130€ par famille. Le même gouvernement qui vient de supprimer la taxe professionnelle reverserait la totalité de ce qu’il va percevoir ? Qui va le croire ? En tous cas pas l’UFC-que choisir qui déclare qu’elle : « combattra ces propositions qui, si elles étaient adoptées par le gouvernement, constitueraient le pire des scénarios pour le pouvoir d’achat des consommateurs... L’État va prélever plusieurs milliards d’euros sur les consommateurs, leur restituera une partie et gardera une part substantielle pour son budget général ou pour baisser les taxes sur les entreprises ». Et puis ils croient qu’on a oublié le coup de la vignette des vieux ? Ou celui de la taxe sur les alcools sensée renflouer la sécu ? (taxe qui en elle-même n’a d’ailleurs pas fait reculer la consommation). Le fait que Michel Rocard, l’inventeur de la CSG, - une autre fameuse taxe – essaie de défendre le projet n’est pas fait pour nous rassurer.


Il y a urgence pour la planète, urgence sociale, humanitaire, écologique, le capitalisme ne pourra par nature jamais répondre à ces urgences là. Prôner la défense de l’environnement sans vouloir combattre de front ce système, c’est être aussi crédible que Sarkozy quand il parle de moraliser le capitalisme.


[1] Les quotas obtenus par les entreprises sont si importants qu’en fin d’année elles ont un surplus…qu’elles peuvent revendre. Pour Arcelor cela représentait en 2008 plus d’un million de tonnes soit 15 millions d’euros


[2] prix préconisé par la commission Rocard pour la 1ère année et destiné à être augmenté de 5% par an pour atteindre 200€ en 2050


[3] Sarkozy devant le parlement en juin dernier


[4] aux États Unis on a atteint en 2006 le niveau le plus bas depuis 1929 et le FMI indique que dans le G7 la part des salaires dans le PIB a baissé de près de 10% en 20 ans


[5] Selon l’INSEE « Un habitant de Paris qui dispose d’un réseau de transports en commun très dense et qui vit dans une habitation collective a une facture énergétique inférieure de 44% à celle d’un habitant d’une commune rurale »



[6] Rocard a dit à un vieux monsieur qui l’interrogeait sur France Inter : « Vous n’avez qu’à prendre un vélo ! ». On appréciera l’élégance du propos venant de quelqu’un qui, malgré ses 16 000€ mensuels (sans compter les conférences qu’il facture 10 000€ pour 2h) n’hésite pas à se faire payer des voyages... polluants. « Michel Rocard a "bien embarqué le 29 juillet comme conférencier invité pour une deuxième croisière de rêve cette année à bord du paquebot de luxe le "Diamant". À la découverte, cette fois-ci des "Magies du Groenland" jusqu’au 9 août. Un voyage qui coûte entre 4000 et 7500 euros selon la cabine ou la suite mise à disposition. (...) Du 22 janvier au 2 février dernier, Rocard avait déjà embarqué à bord du "Diamant" (120 membres d’équipage pour 220 passagers) pour une croisière en Antarctique . » Source : "Rocard polaire de rien", Le Canard enchaîné n°4632, 5 août 2009, page 8